Rq: La nouvelle à chute est une nouvelle dont la fin est surprenante pour le lecteur
LUCIEN de Claude Bourgeyx
Lucien était douillettement recroquevillé
sur lui-même. C’était sa position favorite. Il ne s’était jamais senti aussi
détendu, heureux de vivre. Son corps était au repos, léger, presque aérien. Il
se sentait flotter. Pourtant il n’avait absorbé aucune drogue pour accéder à
cette sorte de béatitude. Lucien était calme et serein naturellement ; bien
dans sa peau, comme on dit. Un bonheur égoïste, somme toute.
La nuit même, le malheureux fut réveillé
par des douleurs épouvantables. Il était pris dans un étau, broyé par les
mâchoires féroces de quelque fléau. Quel était ce mal qui lui fondait dessus ?
Et pourquoi sur lui plutôt que sur un autre ? Quelle punition lui était donc
infligée ? « C’est la fin », se dit-il.
Il s’abandonna à la souffrance en fermant
les yeux, incapable de résister à ce flot qui le submergeait, l’entraînant loin
des rivages familiers. Il n’avait plus la force de bouger. Un carcan l’emprisonnait
de la tête aux pieds. Il se sentait emporté vers un territoire inconnu qui
l’effrayait déjà. Il crut entendre une musique abyssale. Sa résistance
faiblissait. Le néant l’attirait.
Un sentiment de solitude l’envahit. Il
était seul dans son épreuve. Personne pour l’aider. Il devrait franchir le
passage en solitaire. Pas moyen de faire autrement. « C’est la fin », se
répéta-t-il.
La douleur finit par être si forte qu’il
faillit perdre la raison. Et puis, soudain, ce fut comme si les mains de Dieu
l’écartelaient. Une lumière intense l’aveugla. Ses poumons s’embrasèrent. Il
poussa un cri.
En le tirant par les pieds, la sage-femme
s’exclama, d’une voix tonitruante : « C’est un garçon ! ». Lucien était né.
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