jeudi 4 octobre 2018

LUCIEN, une nouvelle à chute



Rq: La nouvelle à chute est une nouvelle dont la fin est surprenante pour le lecteur



LUCIEN de Claude Bourgeyx



    Lucien était douillettement recroquevillé sur lui-même. C’était sa position favorite. Il ne s’était jamais senti aussi détendu, heureux de vivre. Son corps était au repos, léger, presque aérien. Il se sentait flotter. Pourtant il n’avait absorbé aucune drogue pour accéder à cette sorte de béatitude. Lucien était calme et serein naturellement ; bien dans sa peau, comme on dit. Un bonheur égoïste, somme toute.
    La nuit même, le malheureux fut réveillé par des douleurs épouvantables. Il était pris dans un étau, broyé par les mâchoires féroces de quelque fléau. Quel était ce mal qui lui fondait dessus ? Et pourquoi sur lui plutôt que sur un autre ? Quelle punition lui était donc infligée ? « C’est la fin », se dit-il.
    Il s’abandonna à la souffrance en fermant les yeux, incapable de résister à ce flot qui le submergeait, l’entraînant loin des rivages familiers. Il n’avait plus la force de bouger. Un carcan l’emprisonnait de la tête aux pieds. Il se sentait emporté vers un territoire inconnu qui l’effrayait déjà. Il crut entendre une musique abyssale. Sa résistance faiblissait. Le néant l’attirait.
    Un sentiment de solitude l’envahit. Il était seul dans son épreuve. Personne pour l’aider. Il devrait franchir le passage en solitaire. Pas moyen de faire autrement. « C’est la fin », se répéta-t-il.
    La douleur finit par être si forte qu’il faillit perdre la raison. Et puis, soudain, ce fut comme si les mains de Dieu l’écartelaient. Une lumière intense l’aveugla. Ses poumons s’embrasèrent. Il poussa un cri.
    En le tirant par les pieds, la sage-femme s’exclama, d’une voix tonitruante : « C’est un garçon ! ». Lucien était né.

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