La description nous donne à voir des lieux, des scènes,
des personnes. Elle fait partie du récit au même titre que l'histoire
racontée et que les paroles des personnages.
Sa fonction initiale est d'inscrire
l'action des personnages dans un cadre spatio-temporel et de répondre aux
questions quand ?, où ?, qui ?
Elle remplit, de ce fait, le premier
horizon d'attente du lecteur.
La description construit le monde
au moyen des mots. Comme elle est une vision, elle implique des enchaînements
textuels cohérents et structurés à partir d'un point de vue (on parle
aussi de focalisation ).
Dans le roman réaliste, elle
a pour tâche supplémentaire de faire croire à la réalité de l'histoire en
l’ancrant dans le réel (personnages, lieux, choses connus). C'est le cas
dans ce début de la Fortune des Rougon d'Émile Zola : « Lorsqu'on
sort de Plassans par la porte de Rome, située au sud de la ville, on trouve, à
droite de la route de Nice, après avoir dépassé les premières maisons du
faubourg, un terrain vague désigné dans le pays sous le nom d'aire
Saint-Mittre. L'aire Saint-Mittre est un carré long [...] » Le nom de
la ville imaginaire, « Plassans », est inscrit au milieu d'un référent
réel (« Rome », « Nice ») et la description s'ordonne
comme une promenade (un travelling) qui conduit le regard du pronom
« on ». Le « on », c'est la communauté indéterminée du
narrateur et du lecteur, c'est-à-dire de ces personnes de chair qui rattachent
l'univers fictif du roman au monde réel.
----------------------------------------------------------------
La
caractérisation |
Caractériser, c'est attribuer une ou
plusieurs caractéristiques à un être animé ou inanimé, afin d'en donner une
représentation plus précise.
Mais quels procédés grammaticaux
permettent de caractériser ?
1. Caractériser à
l'aide d'un attribut
On distingue deux sortes
d'attributs : l'attribut du sujet et l'attribut du COD.
1.1. L'attribut du
sujet
Comme son nom l'indique, l'attribut
du sujet sert à attribuer une caractéristique au sujet du verbe. On peut le
trouver après un verbe d'état (être, paraître, sembler, avoir l'air,
rester, demeurer, devenir, etc.).
Ex. : Victor Hugo est l'écrivain
le plus connu des Français.
Il peut également suivre :
— un verbe intransitif ;
Ex. : Après dix-neuf années
d'exil, Victor Hugo revint en France hanté par les désastres de la
guerre de 1870.
— un verbe transitif au
passif ;
Ex. : Victor Hugo fut élu député
de Paris à l'Assemblée législative.
— un verbe pronominal de sens
passif.
Ex. : Selon Victor Hugo, le
poète doit se considérer comme le guide du peuple.
1.2. L'attribut du
COD
L'attribut du COD sert à attribuer
une caractéristique au COD. On le trouve après un verbe transitif direct
exprimant une transformation, un jugement ou une désignation (rendre,
choisir, juger, considérer, appeler, etc.).
Ex. : Victor Hugo a choisi
le Paris du xve siècle
comme cadre de son roman.
2. Caractériser à
l'aide d'une expansion du nom
Les expansions indiquent une
caractéristique du nom auquel elles se rapportent. On distingue : le
complément de détermination du nom, l'épithète, le complément de l'antécédent
et l'apposition.
2.1. Le complément
de détermination du nom
Le plus souvent, le complément de
détermination du nom est un groupe nominal relié au nom caractérisé par
la préposition de. Il est appelé complément de détermination car, en
règle générale, il détermine le sens de ce nom et ne peut pas être supprimé.
Ex. : Victor Hugo mourut en
1885. En 1985, la France a commémoré le centième anniversaire de sa
mort.
Cette fonction peut être remplie
également par :
— un pronom (ou un groupe
pronominal) ;
Ex. : Pour son
quatre-vingtième anniversaire, 600 000 personnes ont défilé sous les
fenêtres de celui-ci.
— un verbe à l'infinitif (ou un
groupe infinitif) ;
Ex. : Victor Hugo gardera
toujours le regret de n'avoir pu faire abolir la peine de mort.
— un adverbe (ou un groupe
adverbial).
Ex. : La critique d'aujourd'hui
voit dans Victor Hugo l'un des précurseurs de la poésie moderne.
2.2. L'épithète
La fonction épithète est
principalement assumée par l'adjectif qualificatif.
Ex. : « Un immense
bonhomme ! Sacré nom de Dieu, quel poète ! », disait Flaubert de
Victor Hugo.
Peuvent également être
épithètes :
— un participe (présent ou
passé) employé comme adjectif qualificatif ;
Ex. : Victor Hugo connut une
vie sentimentale très agitée.
— un déterminant numéral
ordinal.
Ex. : La cinquième
fille de Victor Hugo, Adèle, a sombré dans la folie.
On distingue l'épithète liée
qui est directement accolée au nom caractérisé (ex. : Notre-Dame de Paris redonne
vie au Paris grouillant et coloré du xve siècle) de l'épithète détachée,
qui en est séparée par une virgule (ex. : Très prolixe,
Victor Hugo figure dans le Livre des records pour avoir
composé 153837 vers). Une épithète liée peut cependant être séparée
du nom caractérisé par un complément de détermination.
Ex. : « Je suis le ver
de terre amoureux d'une étoile », dit Ruy Blas, un personnage
de Victor Hugo.
2.3. Le complément
de l'antécédent
C'est la fonction que remplit une proposition
subordonnée relative intégrée dans un groupe nominal. La proposition
subordonnée relative complète alors en effet un nom, appelé antécédent parce
qu'il est repris dans la subordonnée par un pronom relatif.
Ex. : Victor Hugo rédigea
contre Napoléon III un pamphlet [qu'il intitula Napoléon-le-Petit].
Comme l'épithète, la subordonnée
relative peut être liée ou détachée.
Ex. : Les poèmes [que
Victor Hugo a composés] sont pour la plupart en alexandrins. Ici, la
subordonnée relative est liée.
2.4. L'apposition
L'apposition se reconnaît
principalement au fait qu'elle établit un rapport d'équivalence entre ce
qu'elle désigne et ce que désigne le nom caractérisé.
Ex. : Dans Notre-Dame de
Paris, Quasimodo, un monstre difforme, se laisse mourir d'amour
auprès du cadavre de la belle Esméralda.
Toujours en position détachée, elle
est séparée du nom caractérisé par une virgule ou un deux-points.
Cette fonction, qui est le plus
souvent remplie par un nom ou un groupe nominal, peut l'être également
par :
— un verbe à l'infinitif (ou un
groupe infinitif) ;
Ex. : Victor Hugo connut ce
grand honneur : être invité à son sacre par Charles X lui-même.
— une proposition subordonnée
conjonctive.
Ex. : Victor Hugo exprima un vœu ultime : [que son corps soit mené au cimetière dans le corbillard des pauvres].
EXERCICES
- Identifiez les groupes nominaux dans le texte suivant
- Précisez leur position syntaxique.
- Encadrez pour chaque groupe nominal le groupe nominal minimal
- Indiquez la nature des expansions du GN minimal.
Blonds comme
le règne de l'étreinte, les cheveux se dissolvaient donc dans la boutique du
passage, et moi je me laissais mourir depuis un quart d’heure environ. Il me
semblait que j'aurais pu passer ma vie non loin de cet essaim de guêpes, non
loin de ce fleuve de lueurs. Dans ce lieu sous-marin, comment ne pas penser à
ces héroïnes de cinéma qui, à la recherche d'une bague perdue, enferment, dans
un scaphandre toute leur Amérique nacrée? Cette chevelure déployée avait la
pâleur électrique des orages, l’embu d'une respiration sur le métal. Une sorte
de bête lasse qui somnole en voiture. On s'étonnait qu'elle ne fit pas plus de
bruit que des pieds déchaussés sur le tapis. Qu'y a-t-il de plus blond que la
mousse? J'ai souvent cru voir du champagne sur le sol des forêts. Et les
girolles ! Les oronges ! Les lièvres qui fuient! Le cerne des ongles!
Le cœur du bois! La couleur rose! Le sang des plantes ! Les yeux des
biches! La mémoire : la mémoire est blonde vraiment. A ses confins, là où
le souvenir se marie au mensonge, les jolies grappes de clarté ! La chevelure
morte eut tout à coup un reflet de porto: le coiffeur commençait les
ondulations Marcel.
En liberté
dans le magasin, de grands fauves modernes guettaient la femelle d’homme en
proie au petit fer : le séchoir mécanique avec son cou de serpent, le tube
à rayons violets dont les yeux sont si doux, le fumigateur à l'haleine d'été,
tous les instruments sournois et prêts à mordre, tous les esclaves d'acier qui
se révolteront un beau jour.
Louis
Aragon, Le Paysan de Paris, 1926, Gallimard, Folio, p. 52-53
Approche stylistique
Repérer dans le texte les éléments
caractérisants. Quel est leur rôle ?
(Les pré-déterminants ont-ils une valeur
caractérisante ? Les éléments caractérisants sont-ils très nombreux par
rapport à la base thématique ? Les phrases sont-elles segmentées par
insertion de groupes apposés, antéposition de groupes compléments ?
Quelles figures de style sont notables ?)
En quoi la présence des GN est-elle ici
caractéristique de la description ?
Effectuez la classification sémantique des
substantifs du texte.
[Blonds comme le règne (de l'étreinte), les cheveux]
se dissolvaient donc [dans la boutique (du passage)], et moi
je me laissais mourir [depuis un quart d'heure environ]. Il me
semblait que j'aurais pu passer [ma vie] [non loin de cet essaim (de
guêpes)], [non loin de ce fleuve (de lueurs)].
[Dans ce lieu (sous-marin)], comment ne pas penser [à ces héroïnes (de cinéma)
{qui, à la recherche (d'une bague perdue)), enferment, [dans
un scaphandre] [toute leur Amérique nacrée]}?
[Cette chevelure déployée] avait [la pâleur électrique
(des orages)], l’embu (d'une respiration (sur le métal)). [Une
sorte de bête lasse {qui somnole (en voiture)}].
On s'étonnait qu'elle ne fit pas plus de bruit que (des pieds déchaussés
(sur le tapis)) = complément du comparatif. Qu'y a-t-il de plus blond que (la mousse)? J'ai souvent cru voir du champagne (sur
le sol (des forêts)). Et les girolles ! Les oronges !
{Les lièvres qui fuient}! Le cerne (des
ongles)! Le cœur (du bois)! La couleur rose (adj.)! Le sang des
plantes ! Les yeux des biches! La mémoire :
la mémoire est blonde vraiment. [A ses confins],
là où le souvenir se marie au mensonge, les
jolies grappes de clarté ! La chevelure morte
eut tout à coup un reflet de porto: le coiffeur commençait
les ondulations Marcel.
En liberté dans
le magasin, de grands fauves modernes guettaient
la femelle d’homme (en proie (au petit fer)) :
le séchoir mécanique avec son cou de serpent,
le tube à rayons violets {dont les yeux sont si doux},
le fumigateur à l'haleine d'été, tous les instruments sournois
et prêts à mordre, tous les esclaves d'acier qui se
révolteront un beau jour.
Classez sémantiquement les substantifs du
texte
Problème de classement pour les noms
abstraits, car pb de définition ; trois types de définitions, qui peuvent
amener à des classements contradictoires
Est concret :
- ce qui renvoie à un être vivant, à un objet réel, ou une matière
- ce qui renvoie à une représentation sensible
- ce qui existe ou se subsiste par soi-même ; est référentiellement
autonome.
Donc est abstrait
- ce qui ne renvoie ni à un être vivant, ni à un objet réel, ni à une
matière
- ce qui ne renvoie pas à une représentation sensible ;
- ce dont l’existence est subordonnée à celle de son support.
Ainsi,
" une odeur " dans " une odeur de
chocolat ", selon la définition 2 peut être défini comme concret car
perceptible par un des cinq sens ; mais selon la définition 3 comme
abstrait puisque non autonome de la matière chocolat en train de cuire quelque
part.
Dans notre classement, un certain nombre
de noms peuvent poser pb (clarté, bruit, haleine, …)
propre |
commun |
||||
abstrait |
concret |
||||
inanimé |
animé |
||||
animal |
Humain |
||||
Amérique |
règne étreinte vie pâleur respiration bruit mémoire souvenir mensonge clarté reflet ondulations liberté |
Monde moderne/ civilisation : boutique passage cinéma bague voiture magasin fer séchoir tube rayons fumigateur instruments acier scaphandre métal Nature : été fleuve lueurs orages tapis mousse champagne sol forêt girolles oronges bois couleur plantes grappes porto Parties du corps humain : |
essaim de guêpes bête lièvres biches fauves femelle serpent proie |
Coiffeur homme esclaves |
héroïnes |
Parties du corps humain : (inanimé en fait) cheveux chevelure pieds cerne ongles cœur sang yeux yeux haleine |
L’essentiel de notre corpus est constitué
de noms inanimés, que l’on peut classer en trois catégories :
- les substantifs appartenant au monde moderne,
- ceux constituant une partie du corps humain
- et ceux appartenant à la nature.
Ce qui nous permet de constater
- la vision morcelante - qu’a le narrateur de cet univers ; on
retrouve cette perception des choses dans la période cubiste de certains
peintres (Braque, Picasso…)
- L’homme n’y est sollicité que pour son caractère emblématique.
- que c’est à l’animation de l’inanimé que sert le recours à la nature
les figures de style jouent un rôle
essentiel dans cette entreprise de construction d’une véritable mythologie du
monde moderne, à partir du quotidien .
2) Eléments de stylistique pour le corrigé
La
caractérisation est tout ce qui dépasse le purement
informatif ; sont caractérisants tous les groupes qui ne sont pas
nécessaires à la complétude syntaxique et informative du discours i.e. tous les
compléments non essentiels.
Attention, il arrive toutefois que la caractérisation d’un objet en permette
l’identification : quand je dis : c’est le cheval noir qui a
gagné, la caractérisation de cheval par noir contribue
à la détermination.
- Caractérisation spécifique
- Autour du verbe :
- compléments de manière : en liberté, à analyser avec les métaphores animalisantes du
paragraphe.
- complément de comparaison : comme
le règne de l’étreinte, que (des pieds déchaussés
(sur le tapis), permet à chaque fois l’union de l’abstrait et du
concret.
- certains CCL et CCT : par
exemple, depuis un quart d’heure environ, crée un contraste
entre la durée brève induite par ce complément et celle, beaucoup plus
longue, suggérée par le procès me laissais mourir ; ici
encore association des contraires (antithèse) et remise en question de notre perception de la temporalité.
- Autour du nom :
- l’adjectif qualificatif non
relationnel (attention à leur distribution) (1)sous-marin, perdue,
nacrée, (2) déployée, sournois
? (1) ces
adj. viennent soit caractériser des espaces ou induire
une perception spatiale ; un espace caractérisé par sa
profondeur, son éclat, son immensité ; on a ici une antithèse ( = opposition d’idées) entre la
clôture initiale du lieu (la boutique se trouve dans un passage couvert qu’il
compare à un aquarium // " scaphandre " dans la mer) et
l’ouverture des espaces suggérée (Amérique nacrée, mer). Esthétique
surréaliste : pour Aragon, il y a des lieux du quotidien qui sont des
" serrures sur l’infini " (Paysan, Folio, p. 20)
→ (2) soit
la chevelure animalisée, animée.
- complément de qualité ou de caractérisation : de l'étreinte, de guêpes, de lueurs, de cinéma, des
orages, de clarté, d'une respiration (sur le métal),
→ associent
lumière, modernité et animalité ; donc des champs assez contradictoires (antithèse) ; on peut même parler
d’associations oxymoriques (fleuve de lueurs ici associe eau et
lumière par exemple), l’oxymore étant le rapprochement de deux mots en apparence contradictoires par
dépendance syntaxique.
→
animalisent, personnifient,
humanisent tout ce qui a priori est
" mort " : c’est la poétique surréaliste de
réinvestissement de l’objet quotidien pour en faire du " merveilleux
quotidien ".
- proposition relative non déterminative : insertion d’une relative autant déterminative que
caractérisante après ces héroïnes, et qui insère de manière subversive de
la narration, de l’événementiel à l’intérieur d’une description.
- apposition: Blonds comme le règne (de
l'étreinte), [Une sorte de bête lasse {qui somnole
(en voiture)}] : phrases nominales à valeur
d’apposition. De même, toutes les réponses à la question : qu’y
a-t-il de plus blond que (la mousse) ? peuvent être considérées comme
des appositions et délimitent un univers à la fois naturel, concret,
vivant et abstrait ou conceptuel (la mémoire, le souvenir)
Þ Qu’apportent ces caractérisants d’une manière générale ?
Précision pittoresque qui entoure et accompagne l’objet du discours, ajout de
détails précisants, étoffement du discours descriptif ; ici, cohabitation
de deux univers antithétiques :
moderne et naturel ; conceptuel et concret, où se côtoient le fini et
l’infini, le clos et l’ouvert qui définissent le surréalisme.
- Caractérisation générale :
- les pré-déterminants ont-ils une valeur
caractérisante ? Stéréotypante ? Focalisante ?
- Ici, valeur nettement focalisante des démonstratifs,
déictiques, comme de certains définis (la chevelure) qui mettent sous le
regard du lecteur, fait spectateur, un certain nombre de référents
présentés dans leur évidence de réel.
- Valeur de ces dans ces héroïnes qui….
C’est, à première vue, une cataphore démonstrative, qui permet de
rattacher l’espèce particulière à une catégorie générale ; mais
c’est plutôt que ce que Frazer et Joly ont appelé une " exophore mémorielle ", i.e une expression qui n’introduit pas un nouvel objet
de discours, mais qui " fait référence à un nouvel objet extra-discursif
[…] non physiquement présent, présent seulement dans la mémoire du
locuteur, et éventuellement de l’allocutaire ". Ducrot parle de
" pseudo-référence " " :
" le locuteur dans ce cas fait comme s’il était en présence de
l’objet, ou comme si cet objet avait été constitué dans le discours
antérieur ".
- De nombreux définis autour du concept de
" blondeur " ont une valeur généralisante, laquelle
se trouve accentuée par l’accumulation et le pluriel : expansion
comme infinie de la comparaison, déploiement hyperbolique
On ne peut
s’empêcher à cet égard de noter le parallèle entre " chevelure
déployée " et le déploiement même du fil du texte, débridé, qui prend
une ampleur considérable lorsqu’en " liberté " lui aussi,
hors des entraves et des conventions du réalisme.
- niveau de langue : à la fois soutenu (emploi de termes abstraits)
et courant (ex. jolies…) ; ceci est conforme au souhait surréaliste
de créer une poésie du quotidien.
- Au niveau de la disposition de la phrase : segmentation et
interruption par insertion de groupes apposés, déplacement par
antéposition de groupes compléments : nombreuses insertions, ajouts
caractérisants, qui tendent à immobiliser le déroulement de la narration
au profit de du développement de cette " unité
détachable " (Hamon) , séquence autonome, qu’est la description.
- Au niveau des figures de style :
- Nombreuses métaphores animalisantes ou personnifiantes (cf. dernier paragraphe)
- Comparaisons (cf. plus
haut)
- Personnifications : tout le dernier paragraphe, mais aussi personnification de la
mémoire, de la chevelure, de l’étreinte, etc.
- Paraphrase : figure par
laquelle on développe une même information en en donnant divers
aspects ; c’est une des figures majeures de la description.
- Antithèses
- Une syllepse de sens : figure par laquelle la même occurrence d’un mot recouvre deux
signifiés, et qui joue donc sur la polysémie : le cœur du
bois (cœur = centre, = cœur humain), contribue à l’humanisation
des éléments naturels.
- Noter enfin, le jeu sur le cliché " Amérique
dorée " remplacé par une euphémisme tout féminin " Amérique
nacrée " : le poète semble ici tourner en dérision le
mythe Américain, ceci est conforme à son entreprise de création de
nouveaux mythes sur le constat de la mort des mythes anciens.
- Les éléments caractérisants sont-ils très nombreux par rapport à la
base thématique ? Sur caractérisation ? Si le thème est 1) la
chevelure, 2) la blondeur de celle-ci 3) les instruments de la boutique du
coiffeur, alors il y a véritable sur caractérisation. Celle-ci
semble correspondre à la sur caractérisation propre de la
description :
La
description :
- une expansion : qui déploie tout un ensemble de
précisions, de qualifications, d’informations diverses (= prédicats)
concernant le thème dénommé, constituée elle-même d’une liste de
désignations spécifiques et d’une série d’attributs,
- un vocabulaire très désignatif et très qualificatif
- prédominance des substantifs sur les verbes ;
voir aussi les phrases nominales : absence de verbe,
donc de procès, ou verbes de sensation, de perception, attributifs
********************************************************************************
Désignation et caractérisation
Observation
Femme à sa fenêtre
Lucien leva les yeux et vit une grande maison, moins mesquine que celles devant
lesquelles le régiment avait passé jusque-là ; au milieu d’un grand mur
blanc, il y avait une persienne peinte en vert perroquet. « Quel choix de
couleurs voyantes ont ces marauds de provinciaux ! »
Lucien se complaisait dans cette idée peu polie lorsqu’il vit la persienne vert
perroquet s’entrouvrir un peu : c’était une jeune femme blonde qui avait
des cheveux magnifiques et l’air dédaigneux : elle venait voir défiler le
régiment. Toutes les idées tristes de Lucien s’envolèrent à l’aspect de cette
jolie figure ; son âme en fut ranimée. Les murs écorchés et sales des
maisons de Nancy, la boue noire, l’esprit envieux et jaloux de ses camarades,
les duels nécessaires, le méchant pavé sur lequel glissait la rosse qu’on lui
avait donnée, peut-être exprès, tout disparut. Un embarras sous une voûte, au
bout de la rue, avait forcé le régiment à s’arrêter. La jeune femme ferma sa
croisée et regarda, à demi cachée par le rideau de mousseline brodée de sa
fenêtre. Elle pouvait avoir vingt-quatre ou vingt-cinq ans. Lucien trouva dans
ses yeux une expression singulière ; était-ce de l’ironie, de la haine, ou
tout simplement de la jeunesse et une certaine disposition à s’amuser de
tout ?
Le second escadron, dont Lucien faisait partie, se remit en mouvement tout à
coup ; Lucien, les yeux fixés sur la fenêtre vert perroquet, donna un coup
d’éperon à son cheval, qui glissa, tomba et le jeta par terre.
Se relever, appliquer un grand coup de fourreau de son sabre à la rosse, sauter
en selle fut, à la vérité, l’affaire d’un instant ; mais l’éclat de rire
fut général et bruyant. Lucien remarqua que la dame aux cheveux d’un blond
cendré souriait encore, que déjà il était remonté. Les officiers du régiment
riaient, mais exprès, comme un membre du centre, à la Chambre des députés,
quand on fait aux ministres quelque reproche fondé.
Stendhal, Lucien Leuwen.
Questions
1. Comment le héros est-il nommé au début du passage ? Comment est-il
désigné par la suite ?
2. Quand il voit la jeune femme pour la première fois, comment celle-ci
est-elle nommée ? Quel article introduit l’expression ?
3. Quel article introduit la 2e désignation, la 3e désignation de la jeune
femme ?
4. Est-il possible de permuter les déterminants qui introduisent ces
expressions ? Pourquoi
5. Relevez toutes les expressions qui désignent la jeune femme dans le
passage : comment les noms sont-ils complétés ?
Leçon
A. La désignation
Tout texte — narratif, descriptif, explicatif, argumentatif — réel ou de
fiction, désigne des êtres, des choses, des lieux, des idées.
Pour les désigner, la langue dispose d’un certain nombre de moyens
linguistiques.
1. Les expressions génériques
Un groupe nominal peut désigner l’ensemble des êtres ou des choses d’une même
catégorie. Ce groupe nominal peut être singulier ou pluriel.
Il peut être précédé de divers déterminants :
Ex. : Le cheval a fait longtemps partie de la vie de
l’humanité.
Les chevaux servaient au déplacement des
populations.
En Europe, tout cheval est ferré depuis le IXe siècle.
2. Les expressions particulières
Un groupe nominal peut désigner êtres et choses de façon particulière. Il
permet à l’émetteur de désigner au destinataire un ou plusieurs objets
particuliers de l’univers, que celui-ci soit réel ou imaginaire.
a. les expressions indéfinies
Un groupe nominal peut désigner des êtres ou des choses particulières, en les
considérant comme un exemplaire de la classe dont ils font partie. Il est alors
introduit par un article indéfini ou un déterminant indéfini (certains,
quelques) :
Ex.: Lucien montait un mauvais cheval.
Certains chevaux sont dressés pour le concours complet.
Un groupe nominal précédé d’un article indéfini sert également à introduire un
objet (être, chose, lieu, idée) qui est présenté pour la première fois dans le
texte :
Ex. : Lucien vit une grande maison, moins mesquine que les autres.
Un homme suivait seul la grande route de Marchiennes
à Montsou. (Zola, Germinal)
b. les expressions définies
Elles permettent, à la différence des expressions indéfinies, d’identifier le
référent particulier visé.
Les expressions définies sont les noms propres, les groupes nominaux précédés
d’un déterminant défini, les groupes nominaux précédés d’un déterminant
démonstratif.
A. les noms propres
Ils désignent directement un référent unique, que ce soit dans le monde réel ou
dans le monde imaginaire.
Ils n’ont pas de sens en eux-mêmes, mais on peut leur associer d’autres
expressions définies, qui précisent les caractéristiques du nom propre :
ce sont les
périphrases.
Ex. : Lucien Leuwen, le fils du banquier, le jeune militaire,
le jeune homme, l’amoureux de la jeune femme blonde…
Ces expressions pourront se substituer au nom propre dans un texte
explicatif ou dans la suite d’un récit.
Elles ont pour intérêt de présenter le référent sous divers aspects et sous
divers points de vue.
B. les groupes nominaux précédés d’un article défini
Ils sont constitués d’un article défini, qui actualise un nom accompagné ou non
d’une expansion (adjectif qualificatif, complément déterminatif, proposition
relative).
Ils permettent de désigner un être ou un objet qui sont présents ou non dans la
situation de communication :
Ex. : Le régiment (présent
ici) ; le père de Lucien (absent
de la scène).
C. les groupes nominaux précédés d’un déterminant démonstratif
Les déterminants démonstratifs précèdent un nom ou un groupe nominal (nom
+ adjectif qualificatif, complément déterminatif, proposition relative)
Ils désignent un être ou un objet qui doit être obligatoirement présent dans la
situation de communication. Le déterminant démonstratif accompagne un geste de
désignation.
Ex. : Passe-moi cette cassette. Quel choix de couleurs voyantes ont ces marauds de provinciaux !
Pour l’expression écrite
Dans un récit de fiction, les noms propres (personnes et lieux) permettent de
construire l’espace et les personnages de l’histoire :
Ex. : Pendant un demi-siècle, les bourgeoises de
Pont-l’Êvêque envièrent à Madame Aubain sa servante Félicité. (G.
Flaubert, Un cœur simple)
Ils permettent également d’introduire des connotations : le personnage
ainsi nommé reçoit ainsi une caractéristique ou un destin :
Ex. : « Candide » de Voltaire, « Saccard » (Zola, l’Argent, connoté
par « saccage ») ; « Bardamu » (L.
F. Céline : personnage poussé en avant par sa charge, le
« barda »).
B. La caractérisation
La caractérisation consiste à décrire un être, un objet, une idée, par une
qualité qui le caractérise, de façon permanente, quelles que soient les
circonstances (la dame est blonde),
ou accidentelle, ou momentanée (Lucien
fut ému).
Elle s’exprime par :
— un adjectif qualificatif, épithète ou attribut :
Ex. : Lucien vit une grande maison. La maison était grande.
— un complément déterminatif :
Ex. : Les maisons de Nancy. La dame aux cheveux blonds.
— une proposition relative :
Ex. : Une jeune femme qui avait des cheveux magnifiques.
— un groupe en apposition, détachée ou liée :
Ex. : Lucien, un jeune militaire, fait une chute de cheval sous les fenêtres
de Mme de Chasteller.
Il se moque de ces marauds de provinciaux.
— le verbe avoir suivi
d’un groupe nominal caractérisant le sujet
Ex. : La dame a les yeux bleus.
— un participe :
Ex. : Le jeune homme, charmant toutes les dames de Nancy…
Résumé
La désignation consiste à présenter des êtres, des objets, des idées dans un
discours, que l’univers évoqué soit réel ou imaginaire.
Pour désigner, on dispose d’expressions génériques (Tout homme est mortel), d’expressions indéfinies
(GN + déterminant indéfini : Un homme marchait sur la route),
ou d’expressions définies (noms propres (Lucien), GN + déterminant défini
ou démonstratif : L’homme
marchait à grandes enjambées. “Arrêtez cet homme, cria le boulanger…).
Lors de sa première apparition dans le discours, le nom d’un objet (être,
chose, lieu, idée) est généralement introduit par un article indéfini ou un
déterminant numéral.
La caractérisation consiste à décrire les êtres par une qualité qui leur
appartient de façon permanente ou momentanée.
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