mardi 9 novembre 2021

La Caractérisation

 

   La description nous donne à voir des lieux, des scènes, des personnes. Elle fait partie du récit au même titre que l'histoire racontée et que les paroles des personnages.

Sa fonction initiale est d'inscrire l'action des personnages dans un cadre spatio-temporel et de répondre aux questions quand ?, où ?, qui ?

Elle remplit, de ce fait, le premier horizon d'attente du lecteur.

La description construit le monde au moyen des mots. Comme elle est une vision, elle implique des enchaînements textuels cohérents et structurés à partir d'un point de vue (on parle aussi de focalisation ).

Dans le roman réaliste, elle a pour tâche supplémentaire de faire croire à la réalité de l'histoire en l’ancrant dans le réel (personnages, lieux, choses connus). C'est le cas dans ce début de la Fortune des Rougon d'Émile Zola : « Lorsqu'on sort de Plassans par la porte de Rome, située au sud de la ville, on trouve, à droite de la route de Nice, après avoir dépassé les premières maisons du faubourg, un terrain vague désigné dans le pays sous le nom d'aire Saint-Mittre. L'aire Saint-Mittre est un carré long [...] » Le nom de la ville imaginaire, « Plassans », est inscrit au milieu d'un référent réel (« Rome », « Nice ») et la description s'ordonne comme une promenade (un travelling) qui conduit le regard du pronom « on ». Le « on », c'est la communauté indéterminée du narrateur et du lecteur, c'est-à-dire de ces personnes de chair qui rattachent l'univers fictif du roman au monde réel.

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La caractérisation

 

 

Caractériser, c'est attribuer une ou plusieurs caractéristiques à un être animé ou inanimé, afin d'en donner une représentation plus précise.

Mais quels procédés grammaticaux permettent de caractériser ?

1. Caractériser à l'aide d'un attribut

On distingue deux sortes d'attributs : l'attribut du sujet et l'attribut du COD.

1.1. L'attribut du sujet

Comme son nom l'indique, l'attribut du sujet sert à attribuer une caractéristique au sujet du verbe. On peut le trouver après un verbe d'état (être, paraître, sembler, avoir l'air, rester, demeurer, devenir, etc.).

Ex. : Victor Hugo est l'écrivain le plus connu des Français.

Il peut également suivre :

— un verbe intransitif ;

Ex. : Après dix-neuf années d'exil, Victor Hugo revint en France hanté par les désastres de la guerre de 1870.

— un verbe transitif au passif ;

Ex. : Victor Hugo fut élu député de Paris à l'Assemblée législative.

— un verbe pronominal de sens passif.

Ex. : Selon Victor Hugo, le poète doit se considérer comme le guide du peuple.

1.2. L'attribut du COD

L'attribut du COD sert à attribuer une caractéristique au COD. On le trouve après un verbe transitif direct exprimant une transformation, un jugement ou une désignation (rendre, choisir, juger, considérer, appeler, etc.).

Ex. : Victor Hugo a choisi le Paris du xve siècle comme cadre de son roman.

2. Caractériser à l'aide d'une expansion du nom

Les expansions indiquent une caractéristique du nom auquel elles se rapportent. On distingue : le complément de détermination du nom, l'épithète, le complément de l'antécédent et l'apposition.

2.1. Le complément de détermination du nom

Le plus souvent, le complément de détermination du nom est un groupe nominal relié au nom caractérisé par la préposition de. Il est appelé complément de détermination car, en règle générale, il détermine le sens de ce nom et ne peut pas être supprimé.

Ex. : Victor Hugo mourut en 1885. En 1985, la France a commémoré le centième anniversaire de sa mort.

Cette fonction peut être remplie également par :

— un pronom (ou un groupe pronominal) ;

Ex. : Pour son quatre-vingtième anniversaire, 600 000 personnes ont défilé sous les fenêtres de celui-ci.

— un verbe à l'infinitif (ou un groupe infinitif) ;

Ex. : Victor Hugo gardera toujours le regret de n'avoir pu faire abolir la peine de mort.

— un adverbe (ou un groupe adverbial).

Ex. : La critique d'aujourd'hui voit dans Victor Hugo l'un des précurseurs de la poésie moderne.

2.2. L'épithète

La fonction épithète est principalement assumée par l'adjectif qualificatif.

Ex. : « Un immense bonhomme ! Sacré nom de Dieu, quel poète ! », disait Flaubert de Victor Hugo.

Peuvent également être épithètes :

— un participe (présent ou passé) employé comme adjectif qualificatif ;

Ex. : Victor Hugo connut une vie sentimentale très agitée.

— un déterminant numéral ordinal.

Ex. : La cinquième fille de Victor Hugo, Adèle, a sombré dans la folie.

On distingue l'épithète liée qui est directement accolée au nom caractérisé (ex. : Notre-Dame de Paris redonne vie au Paris grouillant et coloré du xve siècle) de l'épithète détachée, qui en est séparée par une virgule (ex. : Très prolixe, Victor Hugo figure dans le Livre des records pour avoir composé 153837 vers). Une épithète liée peut cependant être séparée du nom caractérisé par un complément de détermination.

Ex. : « Je suis le ver de terre amoureux d'une étoile », dit Ruy Blas, un personnage de Victor Hugo.

2.3. Le complément de l'antécédent

C'est la fonction que remplit une proposition subordonnée relative intégrée dans un groupe nominal. La proposition subordonnée relative complète alors en effet un nom, appelé antécédent parce qu'il est repris dans la subordonnée par un pronom relatif.

Ex. : Victor Hugo rédigea contre Napoléon III un pamphlet [qu'il intitula Napoléon-le-Petit].

Comme l'épithète, la subordonnée relative peut être liée ou détachée.

Ex. : Les poèmes [que Victor Hugo a composés] sont pour la plupart en alexandrins. Ici, la subordonnée relative est liée.

2.4. L'apposition

L'apposition se reconnaît principalement au fait qu'elle établit un rapport d'équivalence entre ce qu'elle désigne et ce que désigne le nom caractérisé.

Ex. : Dans Notre-Dame de Paris, Quasimodo, un monstre difforme, se laisse mourir d'amour auprès du cadavre de la belle Esméralda.

Toujours en position détachée, elle est séparée du nom caractérisé par une virgule ou un deux-points.

Cette fonction, qui est le plus souvent remplie par un nom ou un groupe nominal, peut l'être également par :

— un verbe à l'infinitif (ou un groupe infinitif) ;

Ex. : Victor Hugo connut ce grand honneur : être invité à son sacre par Charles X lui-même.

— une proposition subordonnée conjonctive.

Ex. : Victor Hugo exprima un vœu ultime : [que son corps soit mené au cimetière dans le corbillard des pauvres]. 

 

EXERCICES

  1. Identifiez les groupes nominaux dans le texte suivant
  2. Précisez leur position syntaxique.
  3. Encadrez pour chaque groupe nominal le groupe nominal minimal
  4. Indiquez la nature des expansions du GN minimal.

Blonds comme le règne de l'étreinte, les cheveux se dissolvaient donc dans la boutique du passage, et moi je me laissais mourir depuis un quart d’heure environ. Il me semblait que j'aurais pu passer ma vie non loin de cet essaim de guêpes, non loin de ce fleuve de lueurs. Dans ce lieu sous-marin, comment ne pas penser à ces héroïnes de cinéma qui, à la recherche d'une bague perdue, enferment, dans un scaphandre toute leur Amérique nacrée? Cette chevelure déployée avait la pâleur électrique des orages, l’embu d'une respiration sur le métal. Une sorte de bête lasse qui somnole en voiture. On s'étonnait qu'elle ne fit pas plus de bruit que des pieds déchaussés sur le tapis. Qu'y a-t-il de plus blond que la mousse? J'ai souvent cru voir du champagne sur le sol des forêts. Et les girolles ! Les oronges ! Les lièvres qui fuient! Le cerne des ongles! Le cœur du bois! La couleur rose! Le sang des plantes ! Les yeux des biches! La mémoire : la mémoire est blonde vraiment. A ses confins, là où le souvenir se marie au mensonge, les jolies grappes de clarté ! La chevelure morte eut tout à coup un reflet de porto: le coiffeur commençait les ondulations Marcel.

En liberté dans le magasin, de grands fauves modernes guettaient la femelle d’homme en proie au petit fer : le séchoir mécanique avec son cou de serpent, le tube à rayons violets dont les yeux sont si doux, le fumigateur à l'haleine d'été, tous les instruments sournois et prêts à mordre, tous les esclaves d'acier qui se révolteront un beau jour.

Louis Aragon, Le Paysan de Paris, 1926, Gallimard, Folio, p. 52-53

 

 

Approche stylistique

Repérer dans le texte les éléments caractérisants. Quel est leur rôle ?

(Les pré-déterminants ont-ils une valeur caractérisante ? Les éléments caractérisants sont-ils très nombreux par rapport à la base thématique ? Les phrases sont-elles segmentées par insertion de groupes apposés, antéposition de groupes compléments ? Quelles figures de style sont notables ?)

En quoi la présence des GN est-elle ici caractéristique de la description ?

Effectuez la classification sémantique des substantifs du texte.

[Blonds comme le règne (de l'étreinte), les cheveux] se dissolvaient donc [dans la boutique (du passage)], et moi je me laissais mourir [depuis un quart d'heure environ]. Il me semblait que j'aurais pu passer [ma vie] [non loin de cet essaim (de guêpes)], [non loin de ce fleuve (de lueurs)]. [Dans ce lieu (sous-marin)], comment ne pas penser [à ces héroïnes (de cinéma) {qui, à la recherche (d'une bague perdue)), enferment, [dans un scaphandre] [toute leur Amérique nacrée]}? [Cette chevelure déployée] avait [la pâleur électrique (des orages)], l’embu (d'une respiration (sur le métal)). [Une sorte de bête lasse {qui somnole (en voiture)}]. On s'étonnait qu'elle ne fit pas plus de bruit que (des pieds déchaussés (sur le tapis)) = complément du comparatif. Qu'y a-t-il de plus blond que (la mousse)? J'ai souvent cru voir du champagne (sur le sol (des forêts)). Et les girolles ! Les oronges ! {Les lièvres qui fuient}! Le cerne (des ongles)! Le cœur (du bois)! La couleur rose (adj.)! Le sang des plantes ! Les yeux des biches! La mémoire : la mémoire est blonde vraiment. [A ses confins], là où le souvenir se marie au mensonge, les jolies grappes de clarté ! La chevelure morte eut tout à coup un reflet de porto: le coiffeur commençait les ondulations Marcel.

En liberté dans le magasin, de grands fauves modernes guettaient la femelle d’homme (en proie (au petit fer)) : le séchoir mécanique avec son cou de serpent, le tube à rayons violets {dont les yeux sont si doux}, le fumigateur à l'haleine d'été, tous les instruments sournois et prêts à mordre, tous les esclaves d'acier qui se révolteront un beau jour.

 

Classez sémantiquement les substantifs du texte

Problème de classement pour les noms abstraits, car pb de définition ; trois types de définitions, qui peuvent amener à des classements contradictoires

Est concret :

  1. ce qui renvoie à un être vivant, à un objet réel, ou une matière
  2. ce qui renvoie à une représentation sensible
  3. ce qui existe ou se subsiste par soi-même ; est référentiellement autonome.

Donc est abstrait

  1. ce qui ne renvoie ni à un être vivant, ni à un objet réel, ni à une matière
  2. ce qui ne renvoie pas à une représentation sensible ;
  3. ce dont l’existence est subordonnée à celle de son support.

Ainsi, " une odeur " dans " une odeur de chocolat ", selon la définition 2 peut être défini comme concret car perceptible par un des cinq sens ; mais selon la définition 3 comme abstrait puisque non autonome de la matière chocolat en train de cuire quelque part.

Dans notre classement, un certain nombre de noms peuvent poser pb (clarté, bruit, haleine, …)


propre

commun

abstrait

concret

inanimé

animé

animal

Humain

Amérique

règne

étreinte

vie

pâleur

respiration

bruit

mémoire

souvenir

mensonge

clarté

reflet

ondulations

liberté

 

Monde moderne/

civilisation :

boutique

passage

cinéma

bague

voiture

magasin

fer

séchoir

tube

rayons

fumigateur

instruments

acier

scaphandre

métal

Nature :

été

fleuve

lueurs

orages

tapis

mousse

champagne

sol

forêt

girolles

oronges

bois

couleur

plantes

grappes

porto

Parties du corps humain :

essaim de guêpes

bête

lièvres

biches

fauves

femelle

serpent

proie

Coiffeur

homme

esclaves

héroïnes

Parties du corps humain :

(inanimé en fait)

cheveux

chevelure

pieds

cerne

ongles

cœur

sang

yeux

yeux

haleine

 

L’essentiel de notre corpus est constitué de noms inanimés, que l’on peut classer en trois catégories :

  • les substantifs appartenant au monde moderne,
  • ceux constituant une partie du corps humain
  • et ceux appartenant à la nature.

Ce qui nous permet de constater

  1. la vision morcelante - qu’a le narrateur de cet univers ; on retrouve cette perception des choses dans la période cubiste de certains peintres (Braque, Picasso…)
  2. L’homme n’y est sollicité que pour son caractère emblématique.
  3. que c’est à l’animation de l’inanimé que sert le recours à la nature

les figures de style jouent un rôle essentiel dans cette entreprise de construction d’une véritable mythologie du monde moderne, à partir du quotidien .

2) Eléments de stylistique pour le corrigé

La caractérisation est tout ce qui dépasse le purement informatif ; sont caractérisants tous les groupes qui ne sont pas nécessaires à la complétude syntaxique et informative du discours i.e. tous les compléments non essentiels.

Attention, il arrive toutefois que la caractérisation d’un objet en permette l’identification : quand je dis : c’est le cheval noir qui a gagné, la caractérisation de cheval par noir contribue à la détermination.

  1. Caractérisation spécifique
  • Autour du verbe :
  • compléments de manière : en liberté, à analyser avec les métaphores animalisantes du paragraphe.
  • complément de comparaison : comme le règne de l’étreinteque (des pieds déchaussés (sur le tapis), permet à chaque fois l’union de l’abstrait et du concret.
  • certains CCL et CCT : par exemple, depuis un quart d’heure environ, crée un contraste entre la durée brève induite par ce complément et celle, beaucoup plus longue, suggérée par le procès me laissais mourir ; ici encore association des contraires (antithèse) et remise en question de notre perception de la temporalité.
  • Autour du nom :
  • l’adjectif qualificatif non relationnel (attention à leur distribution) (1)sous-marin, perdue, nacrée, (2) déployée, sournois

? (1) ces adj. viennent soit caractériser des espaces ou induire une perception spatiale ; un espace caractérisé par sa profondeur, son éclat, son immensité ; on a ici une antithèse ( = opposition d’idées) entre la clôture initiale du lieu (la boutique se trouve dans un passage couvert qu’il compare à un aquarium // " scaphandre " dans la mer) et l’ouverture des espaces suggérée (Amérique nacrée, mer). Esthétique surréaliste : pour Aragon, il y a des lieux du quotidien qui sont des " serrures sur l’infini " (Paysan, Folio, p. 20)

→ (2) soit la chevelure animalisée, animée.

  • complément de qualité ou de caractérisation : de l'étreinte, de guêpes, de lueurs, de cinéma, des orages, de clarté, d'une respiration (sur le métal),

→ associent lumière, modernité et animalité ; donc des champs assez contradictoires (antithèse) ; on peut même parler d’associations oxymoriques (fleuve de lueurs ici associe eau et lumière par exemple), l’oxymore étant le rapprochement de deux mots en apparence contradictoires par dépendance syntaxique.

→ animalisent, personnifient, humanisent tout ce qui a priori est " mort " : c’est la poétique surréaliste de réinvestissement de l’objet quotidien pour en faire du " merveilleux quotidien ".

  • proposition relative non déterminative : insertion d’une relative autant déterminative que caractérisante après ces héroïnes, et qui insère de manière subversive de la narration, de l’événementiel à l’intérieur d’une description.
  • appositionBlonds comme le règne (de l'étreinte), [Une sorte de bête lasse {qui somnole (en voiture)}] : phrases nominales à valeur d’apposition. De même, toutes les réponses à la question : qu’y a-t-il de plus blond que (la mousse) ? peuvent être considérées comme des appositions et délimitent un univers à la fois naturel, concret, vivant et abstrait ou conceptuel (la mémoire, le souvenir)

Þ Qu’apportent ces caractérisants d’une manière générale ? Précision pittoresque qui entoure et accompagne l’objet du discours, ajout de détails précisants, étoffement du discours descriptif ; ici, cohabitation de deux univers antithétiques : moderne et naturel ; conceptuel et concret, où se côtoient le fini et l’infini, le clos et l’ouvert qui définissent le surréalisme.

  1. Caractérisation générale :
  • les pré-déterminants ont-ils une valeur caractérisante ? Stéréotypante ? Focalisante ?
    • Ici, valeur nettement focalisante des démonstratifs, déictiques, comme de certains définis (la chevelure) qui mettent sous le regard du lecteur, fait spectateur, un certain nombre de référents présentés dans leur évidence de réel.
    • Valeur de ces dans ces héroïnes qui…. C’est, à première vue, une cataphore démonstrative, qui permet de rattacher l’espèce particulière à une catégorie générale ; mais c’est plutôt que ce que Frazer et Joly ont appelé une " exophore mémorielle ", i.e une expression qui n’introduit pas un nouvel objet de discours, mais qui " fait référence à un nouvel objet extra-discursif […] non physiquement présent, présent seulement dans la mémoire du locuteur, et éventuellement de l’allocutaire ". Ducrot parle de " pseudo-référence " " : " le locuteur dans ce cas fait comme s’il était en présence de l’objet, ou comme si cet objet avait été constitué dans le discours antérieur ".
    • De nombreux définis autour du concept de " blondeur " ont une valeur généralisante, laquelle se trouve accentuée par l’accumulation et le pluriel : expansion comme infinie de la comparaison, déploiement hyperbolique

On ne peut s’empêcher à cet égard de noter le parallèle entre " chevelure déployée " et le déploiement même du fil du texte, débridé, qui prend une ampleur considérable lorsqu’en " liberté " lui aussi, hors des entraves et des conventions du réalisme.

  • niveau de langue : à la fois soutenu (emploi de termes abstraits) et courant (ex. jolies…) ; ceci est conforme au souhait surréaliste de créer une poésie du quotidien.
  • Au niveau de la disposition de la phrase : segmentation et interruption par insertion de groupes apposés, déplacement par antéposition de groupes compléments : nombreuses insertions, ajouts caractérisants, qui tendent à immobiliser le déroulement de la narration au profit de du développement de cette " unité détachable " (Hamon) , séquence autonome, qu’est la description.
  • Au niveau des figures de style :
    • Nombreuses métaphores animalisantes ou personnifiantes (cf. dernier paragraphe)
    • Comparaisons (cf. plus haut)
    • Personnifications : tout le dernier paragraphe, mais aussi personnification de la mémoire, de la chevelure, de l’étreinte, etc. 
    • Paraphrase : figure par laquelle on développe une même information en en donnant divers aspects ; c’est une des figures majeures de la description.
    • Antithèses 
    • Une syllepse de sens : figure par laquelle la même occurrence d’un mot recouvre deux signifiés, et qui joue donc sur la polysémie : le cœur du bois (cœur = centre, = cœur humain), contribue à l’humanisation des éléments naturels.
    • Noter enfin, le jeu sur le cliché " Amérique dorée " remplacé par une euphémisme tout féminin " Amérique nacrée " : le poète semble ici tourner en dérision le mythe Américain, ceci est conforme à son entreprise de création de nouveaux mythes sur le constat de la mort des mythes anciens.
  • Les éléments caractérisants sont-ils très nombreux par rapport à la base thématique ? Sur caractérisation ? Si le thème est 1) la chevelure, 2) la blondeur de celle-ci 3) les instruments de la boutique du coiffeur, alors il y a véritable sur caractérisation. Celle-ci semble correspondre à la sur caractérisation propre de la description :

  

La description :

    • une expansion : qui déploie tout un ensemble de précisions, de qualifications, d’informations diverses (= prédicats) concernant le thème dénommé, constituée elle-même d’une liste de désignations spécifiques et d’une série d’attributs,
    • un vocabulaire très désignatif et très qualificatif
    • prédominance des substantifs sur les verbes ; voir aussi les phrases nominales : absence de verbe, donc de procès, ou verbes de sensation, de perception, attributifs

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Désignation et caractérisation


Observation

Femme à sa fenêtre


Lucien leva les yeux et vit une grande maison, moins mesquine que celles devant lesquelles le régiment avait passé jusque-là ; au milieu d’un grand mur blanc, il y avait une persienne peinte en vert perroquet. « Quel choix de couleurs voyantes ont ces marauds de provinciaux ! »
Lucien se complaisait dans cette idée peu polie lorsqu’il vit la persienne vert perroquet s’entrouvrir un peu : c’était une jeune femme blonde qui avait des cheveux magnifiques et l’air dédaigneux : elle venait voir défiler le régiment. Toutes les idées tristes de Lucien s’envolèrent à l’aspect de cette jolie figure ; son âme en fut ranimée. Les murs écorchés et sales des maisons de Nancy, la boue noire, l’esprit envieux et jaloux de ses camarades, les duels nécessaires, le méchant pavé sur lequel glissait la rosse qu’on lui avait donnée, peut-être exprès, tout disparut. Un embarras sous une voûte, au bout de la rue, avait forcé le régiment à s’arrêter. La jeune femme ferma sa croisée et regarda, à demi cachée par le rideau de mousseline brodée de sa fenêtre. Elle pouvait avoir vingt-quatre ou vingt-cinq ans. Lucien trouva dans ses yeux une expression singulière ; était-ce de l’ironie, de la haine, ou tout simplement de la jeunesse et une certaine disposition à s’amuser de tout ?
Le second escadron, dont Lucien faisait partie, se remit en mouvement tout à coup ; Lucien, les yeux fixés sur la fenêtre vert perroquet, donna un coup d’éperon à son cheval, qui glissa, tomba et le jeta par terre.
Se relever, appliquer un grand coup de fourreau de son sabre à la rosse, sauter en selle fut, à la vérité, l’affaire d’un instant ; mais l’éclat de rire fut général et bruyant. Lucien remarqua que la dame aux cheveux d’un blond cendré souriait encore, que déjà il était remonté. Les officiers du régiment riaient, mais exprès, comme un membre du centre, à la Chambre des députés, quand on fait aux ministres quelque reproche fondé.

Stendhal, Lucien Leuwen.


Questions
1. Comment le héros est-il nommé au début du passage ? Comment est-il désigné par la suite ?
2. Quand il voit la jeune femme pour la première fois, comment celle-ci est-elle nommée ? Quel article introduit l’expression ?
3. Quel article introduit la 2e désignation, la 3e désignation de la jeune femme ?
4. Est-il possible de permuter les déterminants qui introduisent ces expressions ? Pourquoi
5. Relevez toutes les expressions qui désignent la jeune femme dans le passage : comment les noms sont-ils complétés ?

Leçon

A. La désignation
Tout texte — narratif, descriptif, explicatif, argumentatif — réel ou de fiction, désigne des êtres, des choses, des lieux, des idées.
Pour les désigner, la langue dispose d’un certain nombre de moyens linguistiques.

1. Les expressions génériques
Un groupe nominal peut désigner l’ensemble des êtres ou des choses d’une même catégorie. Ce groupe nominal peut être singulier ou pluriel. 
Il peut être précédé de divers déterminants :
Ex. : Le cheval a fait longtemps partie de la vie de l’humanité.
Les chevaux servaient au déplacement des populations.
En Europe, tout cheval est ferré depuis le IXe siècle.

2. Les expressions particulières

Un groupe nominal peut désigner êtres et choses de façon particulière. Il permet à l’émetteur de désigner au destinataire un ou plusieurs objets particuliers de l’univers, que celui-ci soit réel ou imaginaire.

a. les expressions indéfinies
Un groupe nominal peut désigner des êtres ou des choses particulières, en les considérant comme un exemplaire de la classe dont ils font partie. Il est alors introduit par un article indéfini ou un déterminant indéfini (certains, quelques) :
Ex.: Lucien montait un mauvais cheval.
Certains chevaux sont dressés pour le concours complet.

Un groupe nominal précédé d’un article indéfini sert également à introduire un objet (être, chose, lieu, idée) qui est présenté pour la première fois dans le texte :
Ex. : Lucien vit une grande maison, moins mesquine que les autres.
Un homme suivait seul la grande route de Marchiennes à Montsou.
 (Zola, Germinal)

b. les expressions définies


Elles permettent, à la différence des expressions indéfinies, d’identifier le référent particulier visé.
Les expressions définies sont les noms propres, les groupes nominaux précédés d’un déterminant défini, les groupes nominaux précédés d’un déterminant démonstratif.

A. les noms propres

Ils désignent directement un référent unique, que ce soit dans le monde réel ou dans le monde imaginaire.
Ils n’ont pas de sens en eux-mêmes, mais on peut leur associer d’autres expressions définies, qui précisent les caractéristiques du nom propre : ce sont les périphrases.
Ex. : Lucien Leuwen, le fils du banquier, le jeune militaire, le jeune homme, l’amoureux de la jeune femme blonde…
Ces expressions pourront se substituer au nom propre dans un texte explicatif ou dans la suite d’un récit.
Elles ont pour intérêt de présenter le référent sous divers aspects et sous divers points de vue.

B. les groupes nominaux précédés d’un article défini
Ils sont constitués d’un article défini, qui actualise un nom accompagné ou non d’une expansion (adjectif qualificatif, complément déterminatif, proposition relative).
Ils permettent de désigner un être ou un objet qui sont présents ou non dans la situation de communication :
Ex. : Le régiment (présent ici) ; le père de Lucien (absent de la scène).

C. les groupes nominaux précédés d’un déterminant démonstratif
Les déterminants démonstratifs précèdent un nom ou un groupe nominal (nom + adjectif qualificatif, complément déterminatif, proposition relative)
Ils désignent un être ou un objet qui doit être obligatoirement présent dans la situation de communication. Le déterminant démonstratif accompagne un geste de désignation.
Ex. : Passe-moi cette cassette. Quel choix de couleurs voyantes ont ces marauds de provinciaux !

Pour l’expression écrite
Dans un récit de fiction, les noms propres (personnes et lieux) permettent de construire l’espace et les personnages de l’histoire :
Ex. : Pendant un demi-siècle, les bourgeoises de Pont-l’Êvêque envièrent à Madame Aubain sa servante Félicité. (G. Flaubert, Un cœur simple)
Ils permettent également d’introduire des connotations : le personnage ainsi nommé reçoit ainsi une caractéristique ou un destin :
Ex. : « Candide » de Voltaire, « Saccard » (Zola, l’Argent, connoté par « saccage ») ; « Bardamu » (L. F. Céline : personnage poussé en avant par sa charge, le « barda »).

B. La caractérisation
La caractérisation consiste à décrire un être, un objet, une idée, par une qualité qui le caractérise, de façon permanente, quelles que soient les circonstances (la dame est blonde), ou accidentelle, ou momentanée (Lucien fut ému).

Elle s’exprime par :
— un adjectif qualificatif, épithète ou attribut :
Ex. : Lucien vit une grande maison. La maison était grande.

— un complément déterminatif :
Ex. : Les maisons de Nancy. La dame aux cheveux blonds.

— une proposition relative :
Ex. : Une jeune femme qui avait des cheveux magnifiques.

— un groupe en apposition, détachée ou liée :
Ex. : Lucien, un jeune militaire, fait une chute de cheval sous les fenêtres de Mme de Chasteller.
Il se moque de ces marauds de provinciaux.

— le verbe avoir suivi d’un groupe nominal caractérisant le sujet
Ex. : La dame a les yeux bleus.
— un participe :
Ex. : Le jeune homme, charmant toutes les dames de Nancy…

Résumé
La désignation consiste à présenter des êtres, des objets, des idées dans un discours, que l’univers évoqué soit réel ou imaginaire.

Pour désigner, on dispose d’expressions génériques (Tout homme est mortel), d’expressions indéfinies (GN + déterminant indéfini : Un homme marchait sur la route), ou d’expressions définies (noms propres (Lucien), GN + déterminant défini ou démonstratif : L’homme marchait à grandes enjambées. “Arrêtez cet homme, cria le boulanger…).
Lors de sa première apparition dans le discours, le nom d’un objet (être, chose, lieu, idée) est généralement introduit par un article indéfini ou un déterminant numéral.
La caractérisation consiste à décrire les êtres par une qualité qui leur appartient de façon permanente ou momentanée.

 

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